Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/67

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reçeuës. Mais Artamene ne l’eut pas plustost reconnu, qu’il luy dit ; Traistre, tu és donc ressuscité, pour trahir encore une fois ton Maistre ! Mais si tu veux échaper de mes mains, il faut que les tiennes m’ostent la vie. En disant cela, il fut à luy, avec une impetuosité si grande ; qu’Aribée, quoy que courageux, fut contraint de lascher le pied. Ce ne fut neantmoins reculer sa perte que d’un moment : car Artamene le pressa de telle sorte ; qu’il ne songea plus qu’à parer les coups qu’il luy portoit : cedant visiblement à la valeur d’un homme, qui ne combatoit gueres sans vaincre. Il luy donna donc enfin un si grand coup d’espée à travers le corps, au deffaut de sa cuirasse, qu’il l’abatit à ses pieds. Là, il advoüa avant qu’expirer, que s’estant retiré de dessous ces ruines, il avoit rassemblé tout ce qu’il avoit pû des siens, qu’il avoit fait cacher parmi ces maisons bruslées : & qu’ayant sçeu en quel Apartement estoit le Roy d’Assirie, il avoit esté au commencement de la nuit, monter sur cét amas de cendres & de bois à demi consumé ; faire quelque bruit à la fenestre de ce Prince, pour l’obliger à y regarder ; & que la chose luy ayant succedé, il l’avoit fait sauver par cette fenestre. A ces mots, cét infidelle perdit la parole & la vie : & tous ses compagnons le voyant en cét estat, prirent aussi tost la fuite. Mais Artamene fut contraint de ne poursuivre pas davantage un Prince, que l’obscurité de la nuit, déroboit facilement à ses soins.

Comme il s’en fut retourné au Chasteau, il dépescha vers Ciaxare, pour l’advertir de cét accident : & s’occupa tout le reste de la nuit, à considerer le caprice de sa fortune & de son malheur. Repassant donc tout ce qui luy estoit arrivé,