Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de tous les Chefs qui l’avoient suivi. Hidaspe, Chrisante, Aglatidas, Araspe, Feraulas, & Thrasibule, cét illustre Grec, entrerent tous dans sa Chambre : où Artamene ayant entretenu ce dernier en particulier, luy dit qu’il estoit bien fasché, de ne pouvoir aussi promptement qu’il l’eust desiré, luy rendre d’autres Vaisseaux : Mais que s’il estoit vray qu’il ne courust la Mer, que pour se mettre en seureté de ses Ennemis, ainsi qu’on le luy avoit dit, il l’assuroit de luy faire trouver un Azile inviolable à la Cour du Roy des Medes : & de l’obliger mesme à le remettre dans son Estat, aussi tost qu’il auroit retrouvé la Princesse sa Fille. Thrasibule le remercia fort civilement de cette offre obligeante, & l’accepta : ne pouvant faire autre chose, en un temps où il n’avoit point à choisir : joint que la valeur, & les rares qualitez d’Artamene, luy avoient donné tant d’amour, dés la premiere fois qu’il l’avoit connu, qu’il estoit presque consolé de sa disgrace, par une si heureuse rencontre. Artamene donc luy faisant beaucoup d’honneur, sortit avec luy, & avec tous ces autres Chefs, & fut par les Ruës de cette Ville : où le feu estoit veritablement esteint, mais où la desolation n’estoit pas passée. Cette noirceur espouvantable qui paroissoit par tout ; ces poûtres à demi bruslées ; & tous ces bastimens ruinez ; inspiroient quelque chose de si lugubre dans l’imagination ; qu’il eust esté difficile de pouvoir rien penser que de triste, en un lieu qui paroissoit si funeste. L’on y voyoit diverses personnes, qui parmi les cendres de leurs maisons, cherchoient leurs thresors fondus : & l’on en voyoit d’autres, qui poussez par un sentiment plus tendre, cherchoient sous ces ruines à demy consumées, les os