Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/171

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mais comme elle ne le pouvoit faire ſans deſcouvrir en quelque ſorte l’innocente intelligence qui eſtoit entre eux, elle ne s’y pouvoit reſoudre. Neantmoins aprenant que ſes ennemis n’eſtoient pas ſatisfaits de ſa priſon, & qu’ils en vouloient encore à ſa vie : elle taſcha de ſe vaincre, & celle ſe vainquit en effet. Mais la difficulté fut de pouvoir advertir Cleandre, de la reſolution qu’elle prenoit de parler au Roy, en cas qu’elle apriſt avec certitude qu’il vouloit porter les choſes à la derniere extremité. Car elle craignoit que s’il n’eſtoit pas adverti, il ne contrediſt ce qu’elle diroit : & qu’il ne fiſt luy meſme obſtacle à ſa juſtification. De ſorte que conſultant avec Cyleniſe ſur ce ſujet, cette Fille qui voyoit ſa Maiſtresse dans une inquietude aſſez bien fondée : apres y avoir un peu penſé, luy aprit ingenûment qu’il y avoit deſja aſſez long-temps que le fils de celuy qui commandoit dans la Citadelle de Sardis, faiſoit ſemblant de ne la haïr pas : & qu’ainſi elle croyoit que ſi elle luy demandoit quelque office, elle le trouveroit, diſposé à le luy rendre, quelque dangereux qu’il peuſt eſtre. La Princeſſe fit d’abord quelque difficulté de ſe confier à un homme jeune & amoureux : mais enfin ne pouvant trouver d’autre expedient, elle conſentit que Cyleniſe l’employaſt. Elle imagina pourtant une choſe, qui la mettoit un peu à couvert : car comme Cyleniſe eſtoit ma Parente, elle fit que je fus le pretexte du ſervice qu’elle devoit demander à ſon Amant. Comme je ne pouvois eſtre juſtifié, ſans que Cleandre le fuſt, & que tout le monde sçavoit bien que ſes intereſts eſtoient les miens, elle penſa que Tegée (car l’Amant de Cyleniſe ſe nomme ainſi) ne trouveroit pas eſtrange qu’elle demandaſt