Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/21

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dans leur Bateau, les deux cens Chevaux que je commandois, marcherent ſous la conduite de mon Lieutenant le long du rivage. Nous n’euſmes pas fait une journée ſur ce grand Fleuve, que la Parente de Marteſie tomba malade : mais avec tant de violence, que l’on fut contraint de s’arreſter à un Chaſteau qui eſt baſty ſur le bord de cette Riviere. Eſtant donc abordez en ce lieu là, où il n’y a point de Village qui ne ſoit à plus de vingt ſtades du bord de l’eau ; je fus demander à parler à celuy qui y commandoit : mais comme il voyoit des gens de guerre, il fit grande difficulté de m’accorder ce que je voulois de luy. Il voulut sçavoir qui j’eſtois ; où j’allois ; & qui eſtoient ces Dames : mais comme nous eſtions en Paphlagonie, où je sçavois qu’il y avoit de la diviſion entre les Peuples, je deſguisay le Nom des Dames & le mien, & je dis ſeulement que j’eſtois leur Parent, & que je n’avois autre deſſein que de les eſcorter. Il eut pourtant encore beaucoup de peine à ſe reſoudre à ce que je ſouhaitois : Touteſfois à la fin luy diſant qu’il n’entreroit que des Dames dans ſon Chaſteau : & qu’il y auroit de l’inhumanité à n’aſſister pas une Perſonne malade, le pouvant faire ſans danger : il conſentit à la recevoir & à l’aſſister à la priere de ſa femme qui l’en preſſa fort, & qui me parut eſtre une Perſonne bien faite. Je fus donc retrouver Marteſie : & faiſant porter ſa Parente dans une Chaize que le Capitaine de ce Chaſteau nous envoya, je conduiſis ces Dames juſques à la Porte : m’en allant apres donner ordre au logement de mes gens, au Village le plus proche de là. Ce Capitaine voulut touteſfois m’obliger le lendemain à loger auſſi chez luy, mais je ne le voulus pas : & je me contentay d’avoir la permiſſion