Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/246

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horrible, & en me faiſant une violence ſi grande, que je m’eſtonne que je n’en pers la vie ou la raiſon. Mais, luy dit Menaſte, le moyen de trouver quelque repos, ſeroit de taſcher de vous divertir & de voir le monde, comme vous faiſiez autrefois : car enfin pendant qu’il y aura grande compagnie chez vous ; que vous vous promenerez ; & que vous ferez en converſation avec des gens qui ne vous parleront que de choſes divertiſſantes, vous ne verrez point Otane, & vous ſongerez meſme moins à Aglatidas puiſqu’apres tout, le tumulte du monde occupe du moins l’eſprit, s’il ne le divertit pas. La diverſité des gens que l’on voit ; les nouvelles ; les promenades, la muſique & la converſation, font qu’inſensiblement on ſe deſacoustume de s’entretenir ſoy meſme : & que peu a peu on vient à prendre plaiſir à entretenir les autres. Ceux qui font ce que vous dites, repliqua Ameſtris, n’ont aſſurément que de mediocres douleurs : car pour ceux qui ſouffrent ce que je ſens, sçachez Menaſte que toutes les choſes que vous me propoſez comme un remede, l’ont un redoublement d’affliction. En effet, le moyen que je puſſe prendre ſoing de me parer comme j’avois accouſtumé, moy qui ne veux plaire à qui que ce ſoit, & à qui tout le monde déplaiſt ? Le moyen que je puſſe ſouffrir d’eſtre eternellement en converſation de gens qui m’importuneroient, & qui m’affligeroient encore davantage, au lieu de me conſoler ? Vous sçavez bien que tous ceux que je pourrois voir, ſont ou Amis ou Ennemis d’Aglatidas : ainſi ce que vous penſez qui me le feroit oublier, m’en renouvelleroit encore le ſouvenir. Si j’allois au Bal, je ne penſe pas que dans l’humeur où je ſuis, je puſſe ſeulement