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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/249

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bien enſemble, on n’en comprenoit point du tout la veritable cauſe : & on croyoit qu’Ameſtris vivoit ainſi, parce qu’Otane eſtoit jaloux, & qu’il le luy avoit ordonné. Si bien que l’on faiſoit cent imprecations contre luy, d’eſtre cauſe qu’une ſi belle Perſonne menaſt une ſi malheureuſe vie : & comme il n’eſt rien ſi propre à faire inventer cent mille contes extravagants, qu’un Mary jaloux, on ſe mit à dire cent choſes bizarres d’Otane : & en moins de huit jours, on faiſoit de longues hiſtoires de ſes jalouſies, que mille circonſtances rendoient croyables. De ſorte qu’Artemon, dont je vous ay deſja parlé, qui eſtoit ſon Amy & un peu ſon Parent, ſe reſolut enfin de l’advertir de ce que l’on diſoit de luy, croyant par là rendre office, & à Otane, & à Ameſtris auſſi. Il fut donc le trouver un jour ; ce ne fut toutefois pas ſans repugnance : car outre qu’il sçavoit bien qu’Otane avoit l’eſprit bizarre, la choſe d’elle-meſme eſtoit aſſez difficile à dire. Neantmoins il s’y reſolut. Apres avoir donc parlé quelque temps de choſes indifferentes, il luy demanda des nouvelles d’Ameſtris : & comme il luy eut répondu qu’elle ſe portoit bien ; il luy dit que toutes ſes Amies ſe pleignoient d’elle, de ce qu’on ne la voyoit plus ou pour vous parler plus ſincerement, luy dit-il, elles ſe pleignent de vous : car elles s’imaginent qu’elle ne les abandone que par vos ordres. Et lors il luy dit en effet une partie des choſes que l’on diſoit de luy ; en adouciſſant neantmoins les endroits les plus deſavantageux & les plus rudes. Otane ſurpris du diſcours d’Artemon, luy proteſta comme il eſtoit vray, qu’il n’avoit point témoigné à Ameſtris ſouhaiter qu’elle ſe retiraſt des compagnies, & que ſa retraite eſtoit volontaire. Non