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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/274

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homme qui ne ſeroit point jaloux n’en pourroit penſer en un jour. Mais enfin Artemon arreſtant ce torrent de paroles inutiles ; eſt-ce là, luy dit-il, tout le crime d’Ameſtris ? ſi cela eſt, adjouſta Artemon, vous n’eſtes pas ſi malheureux que vous le dites : car ne voyez-vous pas par cette Lettre, que puis qu’Aglatidas ſe prepare à eſtre touſjours infortuné, il faut que ce ſoit qu’Ameſtris l’ait banny ? De plus, ne voyez-vous pas encore que perſonne ne sçait la cauſe de ſon depart ? ainſi je croy pluſtost que ſi vous sçaviez la choſe comme elle eſt, vous trouveriez que la vertu d’Ameſtris merite beaucoup de loüange. Je ne trouveray jamais cela, repliqua-t’il, car enfin Ameſtris n’a point deu recevoir cette Lettre depuis qu’elle eſt ma Femme : & moins encore l’avoir conſervée. Artemon eut beau vouloir excuſer Ameſtris, il n’y eut pas moyen d’appaiſer Otane : qui ſans ſe ſoucier plus des affaires qui l’avoient amené à la Ville, s’en retourna aux champs dés le lendemain. Bien eſt-il vray qu’Artemon ne le voulut point abandonner : & fut malgré qu’il en euſt aveques luy.

Cependant Ameſtris vivoit dans une crainte extréme : mais dés qu’elle vit arriver ſon Mary ſans qu’il pûſt avoir eu le temps de faire les choſes qui avoient cauſé ſon voyage, le cœur luy battit, & peu s’en falut qu’elle ne s’évanoüiſt. Auſſi-toſt qu’Otane fut deſcendu de chenal, quoy qu’Artemon l’en vouluſt empeſcher, il fut droit à la chambre d’Ameſtris : & s’approchant d’elle avec une fierté incivile ; Madame, luy dit-il, vous me devez avoir quelque obligation, de vous rapporter ſi promptement ce que vous avez ſans doute oublié à Ecbatane : & en diſant cela il luy jetta ſur la Table, auprès de laquelle elle eſtoit, toutes les lettres