Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/314

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qu’ils n’eſtoient pas mal enſemble : & comme Artemon ne s’eſtoit point declaré, quoy qu’il fuſt aiſé de s’aperçevoir qu’il eſtoit amoureux d’Ameſtris : il creut avoir trouvé une aſſez bonne voye de nuire à Aglatidas : de ſorte que ſe reſolvant de ne parler pas encore comme Amant, il forma le deſſein de deſtruire ſon plus redoutable Rival, en n’agiſſant en aparence que comme Amy d’Ameſtris. Et en effet, ſi elle ne ſe fuſt pas deſja aperçeuë à cent choſes, qu’il eſtoit amoureux d’elle, ſon deſſein euſt pu reüſſir : car il le conduiſit fort adroitement, comme je m’en vay vous le dire. Quelque temps apres qu’Aglatidas fut arrivé, & qu’il eut fait pluſieurs viſites à Ameſtris, ou il eſtoit aiſé de voir qu’il l’aimoit touſjours, & qu’il n’en : eſtoit pas haï ; Artemon envoya demander un matin audience à cette belle Perſonne, qui la luy accorda : car elle luy avoit beaucoup d’obligation, d’avoir touſjours porté ſes intereſts contre Otane. Comme il fut auprés d’elle, & en liberté de l’entretenir en particulier ; Madame, luy dit-il, je ne sçay ſi mon zele ſera bien reçeu : mais je sçay bien toûjours que ſi vous pouviez voir mon cœur, vous advoüeriez que je ſuis obligé de faire ce que je fais : puis qu’il eſt certain que je ſuis perſuadé que je le dois. Artemon, luy reſpondit-elle, j’ay tant reçeu de marques de voſtre amitié, & vous m’avez rendu tant de bons offices ; qu’il ne ſeroit pas aiſé que je m’imaginaſſe que vous me deuſſiez dire quelque choſe que je ne deuſſe pas bien reçevoir : c’eſt pourquoy parlez je vous en conjure. Madame (luy repliqua-t’il en changeant de couleur, car il m’a raconté de pus cette converſation fort exactement, comme je vous le diray dans la ſuite de mon diſcours) je sçay bien que la jalouſie