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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/413

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En effet, comme celuy qui en eſt gouverneur eſt un fort honneſte home, & que Polixenide ſa Femme eſt une perſonne de beaucoup d’eſprit, ils contribuoient extrémement aux divertiſſemens de tout le monde : & cette petite Cour, quoy que moins tumultueuſe que celle de Sardis, n’eſtoit pourtant pas deſagreable. Vous sçavez, Madame, que lors que le Pere de Cleonice quitta Claſomene pour venir demeurer à Epheſe, elle n’avoit pas plus de quinze ans : & vous n’avez pas ſans doute perdu le ſouvenir que Stenobée ſa Mere eſtoit une Perſonne galante, qui avoit eſté tres belle ; qui l’eſtoit encore aſſez ; & qui ne pouvoit ſe reſoudre à ne l’eſtre plus. Si bien que lors qu’elle arriva à Epheſe, elle chercha autant le monde, que le monde chercha Cleonice : qui en effet apparut comme un nouvel aſtre, qui éclipſa tous les autres. Vous pouvez donc bien juger, qu’eſtant admirablement belle comme elle eſt ; & ayant outre cela la grace de la nouveauté, elle plût infiniment : de ſorte que comme Stenobée ne chaſſoit pas la compagnie de chez elle, on l’y vit bien toſt fort grande, & plus grande qu’on nulle autre Maiſon d’Epheſe. Son admirable Fille attiroit tout ce qu’il y avoit d’honneſtes gens en ce lieu là : tout le monde voulant avoir la gloire d’eſtre de ſes premiers Amis, & de luy avoir rendu les premiers ſervices. Ce qui ſurprenoit d’autant plus tous ceux qui la voyoient, eſtoit de remarquer qu’elle connoiſſoit ſa beauté ſans avoir de l’orgueil ny de l’affetterie, & qu’encore qu’elle fuſt une des plus propres & des plus civiles perſonnes de la Terre, on ne laiſſoit pas de connoiſtre qu’elle eſtoit propre & civile par inclination, & non pas avec un deſſein formé de plaire à ceux qui l’aprochoient. Elle prenoit les divertiſſemens, mais elle ne les cherchoit pas avec empreſſement : etquoy