Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/441

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de mes conſeils ; que je fortifie voſtre raiſon ; & qu’en cas que vous ne puiſſiez demeurer libre, je me détache de voſtre amitié : Car enfin je vous le declare, des que vous ſerez amoureux, je ne ſeray plus voſtre Amie. S’il n’y a que cela qui ma mette mal avecques vous, reprit-il, vous la ſerez donc touſjours : eſtant certain, comme je vous l’ay deſja dit, que puis que je n’ay que de la veneration pour la belle Cleonice, je n’auray jamais d’amour pour perſonne. Mais Madame, adjouſta-t’il en riant, ſi je devenois amoureux de vous, comment faudroit-il que j’en uſasse ; voudriez vous que je vous en advertiſſe comme d’une autre, dés que je m’en apercevrois ? Nullement, luy dit-elle, & je ne le trouverois pas bon : que faudroit-il donc que je fiſſe ? repliqua-t’il ; il faudroit, reſpondit-elle, combatre cette paſſion & la vaincre ſans m’en rien dire ; & ſi vous ne le pouviez pas, me la cacher du moins ſi bien que je ne m’en aperçeuſſe jamais. Mais, reſpondit-il, tout le monde dit que l’amour ne ſe peut cacher : il faudroit donc vous cacher vous meſme, repliqua-t’elle, & ne me voir plus du tout. Cependant, adjouſta-t’elle en riant, j’eſpere que cela n’arrivera pas : car enfin le Printemps ne ſemera plus de roſes ſur mon teint : j’ay aſſurément toute la beauté que je ſuis capable d’avoir : & puis qu’avec toutes mes forces je ne vous ay pas vaincu, vous eſtes aſſuré de ne l’eſtre pas, & qu’ainſi noſtre amitié ſera eternelle, j’arrivay comme ils en eſtoient là : & Ligdamis m’apellant à ſon ſecours, ils me dirent les termes où ils en eſtoient, & les conditions de leur amitié. Mais, adjouſta Ligdamis, en vous promettant de n’eſtre point amoureux, & en vous aſſurant que ſi par malheur je le deviens, je vous en advertiray : ne dois-je