Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/495

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mal reüſſi. Mais Madame, la joye de Cleonice ne fut pas contagieuſe pour Ligdamis : au contraire, connoiſſant par l’air enjoüé de ſon viſage, qu’elle ne l’avoit pas entendu comme il vouloit l’eſtre ; il nous parut ſi ſerieux & ſi interdit, qu’on ne peut pas l’eſtre davantage. Neantmoins Cleonice ne laiſſa pas de prendre la parole, ſuivant ſon premier deſſein ; & de luy faire la guerre, de ne l’avoir pu tromper. Mais comme Ligdamis alloit reſpondre, & que j’allois me joindre à Cleonice pour le tourmenter, on me vint querir pour une affaire qui m’apelloit de neceſſité chez moy : de ſorte que je les quittay tous deux, & les laiſſay fort embarraſſez. J’ay pourtant sçeu bien exactement ce qu’ils ſe dirent, car ils me le raconterent ſeparément dés le ſoir meſme : je ne fus donc pas pluſtost partie, que Cleonice continuant de railler, tout à bon Ligdamis, luy dit-elle, je trouve cela fort honteux pour vous, que vous ayez pû imaginer une declaration d’amour auſſi galante comme eſt celle que vous avez inventée pour vous divertir : & je trouve meſme fort mauvais, que vous ayez pû croire que je puſſe prendre la choſe ſerieusement. Pour moy, adjouſta-t’elle, je penſe que vous avez eu quelque curioſité de voir ce que la colere fait en mon eſprit : mais, Ligdamis, j’ay eſté plus fine que vous, puiſque j’ay fort bien connu que c’eſtoit une raillerie. Pluſt aux Dieux Madame, luy dit-il, que ce que vous dites fuſt vray : ſerieusement Ligdamis, interrompit Cleonice, je ne sçaurois ſouffrir que vous parliez comme vous faites : ſincere ment Madame, luy dit-il, je ne puis parler autre ment, ſi je ne dis un menſonge. Cleonice regardant alors Ligdamis, & voyant en effet ſur ſon viſage un