Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/517

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vous m’en sçaurez quelque gré : & que vous ne me condamnerez plus jamais d’arracher de mon cœur une paſſion qui y ſera ſans doute tant que je vivray. Je vous le promets, luy dit elle : ce n’eſt pas encore aſſez, reprit il, pour empeſcher un Amant exile de mourir : c’eſt pour quoy, Madame, ayez encore la bonté de m’aſſurer, qu’en cas que je ne meure point de douleur, & que je revienne auprés de vous, vous voudrez bien eſtre ce que je vous ay deſja ſuplié que vous fuſſiez, je veux dire la Confidente de ma paſſion. Non Ligdamis, luy dit elle, je ne vous promets point cela : mais je vous aſſure du moins de ne vous haïr point ſi vous m’obeïſſez. Accordez moy donc la grace, reprit il, de me tenir conte de toutes les marques d’amitié que je vous donneray, comme de ſimples preuves d’amitié : je le veux encore, luy dit elle, pourveu que vous m’obeïſſiez promptement.

Enfin, Madame, ſans abuſer de voſtre patience par un, long récit de choſes peu importantes, je vous diray qu’il faluſt que Ligdamis obeïſt : Il ne luy fut pas difficile de pretexter ſon voyage, eſtant certain qu’il y avoit plus de raiſon de s’eſtonner de ce qu’il n’alloit pas plus ſouvent à Sardis ; qu’il n’y en avoit de l’y voir aller. Je fis ce que je pus pour obliger Cleonice à ſouffrir qu’il priſt congé d’elle, mais il n’y eut pas moyen d’obtenir cela. Il eſt vray que je remarquay malgré qu’elle en euſt, que la cauſe de cette cruauté n’eſtoit pas deſavantageuse à Ligdamis : eſtant certain qu’elle ne luy refuſa cette grace, que parce qu’elle ſentoit bien qu’il luy ſeroit impoſſible de luy dire adieu, ſans donner de trop viſibles marques de l’amitié qu’elle avoit pour luy. Il partit donc avec