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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/589

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qu’elles auroient. Artamas qui n’eſtoit pas moins amoureux qu’eux, n’avoit pas auſſi moins de ſatisfaction : & il avoit meſme tant de joye, d’eſperer de delivrer ſa chere Palmis ſans combattre le Roy ſon Pere : qu’il eſtoit aiſé de voir qu’il avoit dans le cœur l’eſperance qu’il donnoit aux autres. Ligdamis de ſon coſté, eſperant pluſtost la poſſession de Cleonice ſi la paix ſe faiſoit, que durant une longue guerre, partageoit le plaiſir de ces Princes avec plus de ſensibilité :

cependant le Prince Artamas ayant demandé la permiſſion d’aller rendre conte au Roy ſon Pere de ce qu’il avoit fait, & le Roy d’Aſſirie voulant jouïr hors de la preſence de ſon Rival, de toute la douceur que l’eſperance de voir bien toſt Mandane en liberté luy donnoit, s’en alla auſſi : de ſorte que comme Ligdamis & Soſicle ſuivirent le Prince de Phrigie, Feraulas demeura ſeul avec Cyrus. Il eſt vray que c’eſtoit la plus agreable compagnie qu’il puſt avoir : puis que c’eſtoit luy ſeul qui avoit touſjours eu le ſecret de ſa paſſion. Car encore que Chriſante n’euſt pas ignoré tout ce qui luy eſtoit advenu, ce n’avoit pourtant eſté qu’à Feraulas à qui il avoit deſcouvert tous les ſentimens de ſon ame : comme eſtant d’un âge & d’une humeur à excuſer tous ſes tranſports & toutes ſes foibleſſes. Aglatidas eſtant alors arrivé, ne changea pourtant pas la converſation : car il avoit toutes les qualitez que Cyrus vouloit à un confident de ſon amour. Il avoit de l’eſprit ; ſon ame eſtoit tendre ; & il connoiſſoit cette paſſion par ſa propre experience. Si bien que Cyrus s’entretenant avecque luy & avec Feraulas, de l’eſtat ou il voyoit les choſes ; il y employa deux heures fort agreablement.