Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/621

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la bonté de ne juger pas de mon reſſentiment par mes paroles, vous aurez lieu de me croire ingrat. Vous avez touſjours ſervy il fidellement le Roy mon Pere, reprit Mandane, que je dois cure plus en peine de ne pouvoir reconnoiſtre vos ſervices en l’eſtat où je ſuis, que vous ne le devez eſtre de reconnoiſtre mes bien-faits. Cependant, (adjouſta-t’elle, mourant d’envie qu’il s’en allaſt, de peur qu’il ne fuſt reconnu, & ne pouvant touteſfois ſe reſoudre à le perdre de veuë ſi promptement) ne manquez pas auſſitost que vous ſerez retourné au Camp, de faire sçavoir au Roy mon Pere, par le premier Courrier qui ira à Ecbatane, que je ſuis touſjours ce que je dois eſtre : & que je ne feray jamais rien indigne de l’honneur que j’ay d’eſtre ſa Fille. Je n’y manqueray pas Madame, repliqua-t’il : mais il me ſemble (adjouſta-t’il, en la regardant) que comme je ne puis vous obeïr que par le Courrier de Cyrus, ſi vous ne me dites rien pour luy, il aura lieu de ne me croire pas. Aſſurez-le de ma part, luy dit-elle, que je ſuis au deſespoir d’eſtre cauſe qu’il s’expoſe auſſi ſouvuent qu’il fait : & je penſe, pourſuivit-elle en rougiſſant qu’Andramite ſouffrira bien que je prie cét illuſtre Prince de ne le faire plus tant : puis qu’en l’obligeant d’eſpargner ſa vie, il eſpargnera auſſi celle de quelques ſubjets du Roy ſon maiſtre. Je voudrois bien Madame (interrompit Andramite en ſous — riant) que ce cavalier puſt perſuader ce que vous dites à Cyrus : qui à mon advis aura bien de la peine à vous obeïr. Mais Madame, adjouſta-t’il, il eſt temps de marcher, ſi vous ne voulez avoir l’incommodité d’aller de nuit ; cependant ce cavalier pourra