Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/626

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tous les malheurs de ma vie, & qui ſeul en peut faire toute la felicité ? Quoy (interrompit Palmis, en parlant bas auſſi bien qu’elle) j’aurois eu le bonheur de delivrer l’invincible Cyrus ? ce n’eſt pas, adjouſta-t’elle, que j’aye peine à vous croire, car je vous puis aſſurer que je n’ay pas eſté ſi credule qu’Andramite : ayant fort bien connu que ce priſonnier n’eſtoit pas un ſimple cavalier, tel que vous le diſiez eſtre : Mais veuillent les Dieux que le Prince Artamas n’ait pas eu un pareil deſtin au ſien. Comme elle achevoit de dire ces paroles, Andramite ſe raprocha de ces princeſſes, dont il s’eſtoit eſloigné pour parler à un homme qui luy venoit dire que le Prince Artamas ne pouvoit eſtre porté que dans un Chariot : de ſorte que ne pouvant où en prendre en ce lieu là ; & eſtant deſja fort prés du Bois, à l’entrée du quel eſtoit le Prince Artamas ; il ſuplia ces princeſſes, de vouloir que leurs Femmes ſe preſſassent un peu dans deux Chariots qui ſuivoient le leur, afin de pouvoir mettre dans un des deux un priſonnier de qualité, qui avoit eſté bleſſé à cette occaſion. Andramite n’eut pas pluſtost dit cela, que la Princeſſe Palmis changeant de couleur, luy demanda le nom de ce priſonnier : & comme il ne reſpondit pas preciſément, & qu’il parut qu’en effet il ne vouloir pas luy dire qui il eſtoit ; elle s’imagina la choſe d’elle meſme, & ne douta point que ce ne fuſt le Prince Artamas. Si bien qu’avancant la teſte hors de la portiere, juſtement comme ſon Chariot entroit dans le Bois, elle vit ce qu’elle cherchoit, & ce qu’elle euſt pourtant bien voulu ne rencontrer pas : c’eſt à dire le Prince Artamas couché au pied d’un Arbre ; la teſte appuyée ſur un Bouclier ; & ſon Eſcharpe ſanglante en divers