Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/100

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s’il estoit son Fils. Elle employa donc cette belle Personne que mon Maistre avoit remarquée entre les autres, lors qu’il estoit arrivé, & qui estoit Fille de cette Dame. Comme elle l’eut laissée aupres de luy, avec deux de ses Femmes ; il se vit encore expose à une nouvelle espreuve. Mon Frere, luy dit elle ; Madame, luy respondit il en l’interrompant, il me seroit glorieux de porter ce Nom : mais comme je ne suis point Spitridate, il faut que je ne le reçoive pas : & que je me contente de la qualité de vostre tres-humble Serviteur. Quel que vous puissiez estre, repliqua cette belle Fille, vous meritez davantage que ce que vous dites : puis qu’en l’estat qu’est nostre fortune, il est peu de personnes plus malheureuses que nous. Cependant pour aider à m’esclaircir du doute où je fuis, aussi bien que tout le reste de nostre Maison ; je vous prie de vous donner la peine d’ouvrir cette Boitte : & de voir quelque chose, qui peutestre vous surprendra agreablement. En disant cela, elle luy presenta effectivement une Boitte de Portrait assez magnifique : & se mit à la regarder avec une attention extréme. Artamene qui ne sçavoit pourquoy elle vouloit qu’il ouvrist cette Boitte, ne laissa pas de luy obeïr : & fut en effet fort agreablement surpris, par la veuë du Portrait d’une personne admirablement belle. Mais comme il n’avoit jamais veû celle qu’il representoit ; & qu’il avoit dans le cœur une autre image, qui ternissoit la beauté de celle là : il ne parut en ses yeux, ny en ses actions nulle esmotion extraordinaire : & il regarda cette Peinture comme une belle chose, qui ne luy donnoit ny grande joye, ny grande inquietude. Cette belle Fille voyant la tranquilité avec laquelle Artamene regardoit