Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toutefois auparavant, que le lendemain tout le butin & tous les Prisonniers entreroient dans la Ville : & que le soir estant venu, le Roy de Ponty feroit conduit, & qu’Artamene y entreroit en mesme temps. Cependant Ciaxare ne fut pas plus tost party, que mon Maistre envoya dire au Roy prisonnier, qu’il avoit obtenu ce qu’il avoit souhaité, ce qui luy donna beaucoup de joye. En suite, Artamene songea à renvoyer la Lictiere qu’on luy avoit prestée : mais en la renvoyant, il fit choisir parmy toutes ses Pierreries, qu’il avoit envoyé querir à Sinope, ce qu’il y avoit de plus beau : & en bailla une quantité fort grande à un des siens : avec ordre de les presenter à cette jeune & belle Personne, qui luy avoit monstrré un Portraict ; & de la supplier de vouloir recevoir cette foible marque de sa reconnoissance : n’osant pas parler de rançon à la Princesse sa Mere, apres la haute generosité qu’elle avoit euë. Il recompensa aussi magnifiquement le Chirurgien qui l’avoit pensé ; & tous ceux de cette Maison qui l’avoient servy ; & tant par la richesse de ses presens, que par la façon dont ils virent que le Roy & toute la Cour traitoient Artamene ; ils jugerent bien que leur Maistresse n’avoit pas connu la véritable condition de son Prisonnier. Apres que mon Maistre eut donc donné tous les ordres necessaires, la nuit estant deja bien advancée, il demeura seul, & en liberté de s’entretenir de sa passion : Me voicy enfin, disoit-il en luy mesme, eschapé de beaucoup de perils : & il y a peu de gens qui n’admirent ma bonne fortune. Mais durant que ce bonheur excite peut-estre l’envie contre moy, je ne laisse pas de m’estimer le plus malheurex homme du monde ; & je le seray tousjours sans