Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/107

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que le Roy de Pont en une chose : car il ne vit point la Princesse, en passant sous les fenestres : parce qu’elle s’estoit mise au lit, & avoit feint de se trouver mal.

Martesie qui dans les premiers momens que sa Maistresse avoit apris qu’Artamene estoit vivant, avoit veû tant de joye dans ses yeux ; ne pouvoit assez s’estonner, de remarquer le trouble de son ame. C’est pourquoy voyant qu’il n’y avoit personne aupres d’elle, & qu’elle pouvoit luy parler en liberté : Me permettrez vous, Madame, luy dit elle, de vous demander si ce n’est qu’une simple incommodité, qui vous à fait mettre au lict ; ou s’il vous est arrivé quelque malheur que l’ignore : & qui trouble la satisfaction que vous devez avoir, en un des plus heureux jours de vostre vie ? Car enfin, Madame, vous voyez la guerre finie glorieusement ; vous voyez dans les fers un Roy que vous ne vouliez pas espouser ; & vous voyez vivant un Prince que vous avez pleuré, lors que vous l’avez creû mort, & que vous avez deû pleurer. je l’advouë ma chere Fille, luy respondit la Princesse, je suis heureuse en beaucoup de choses ; mais je ne la suis pas en toutes : & l’endroit par où je suis infortunée est si senfible ; que je ne joüis point du tout de cette felicité aparente, dont je parois environnée de toutes parts, à ceux qui ne connoissent pas le fond de mon cœur. Mais encore, Madame, reprit Martesie, que pouvez vous avoir qui vous fasche ? Le Roy vous aime ; toute la Capadoce vous adore ; la paix va ramener tous les plaisirs à la Cour ; & Artamene sera bien tost guery, à ce que disent les Medecins du Roy. Artamene, reprit la Princesse en soupirant, ne le sera peut estre qu’un peu trop tost : & quoy que je luy souhaite toute sorte de