Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/119

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à Mandane, tu l’en feras haïr pour toujours : & pense enfin que peut-estre si tu ne te hastes, il executera son dessein ; il l’enlevera ; il la tiendra en sa puissance ; il ne la rendra jamais ; il gagnera peut-estre son cœur ; il obtiendra son pardon ; & la possedera tousjours.

Cette derniere pensée, acheva de luy faire prendre la resolution de ne perdre pas plus un seul moment, & d’aller trouver Mandane : il y fut donc en diligence ; & luy fit demander la grace de pouvoir l’entretenir en particulier. La Princesse qui creut que c’estoit pour luy parler de son amour, s’en offença, & luy fit dire qu’il ne pouvoit pas la voir : parce qu’elle avoit quelque affaire importante qui l’occupoit. Artamene desesperé de cette response, la fit supplier encore une fois, qu’il peust l’entretenir un moment, d’une chose qui regardoit le service du Roy, & le sien ; & qui ne pouvoit souffrir de retardement. Mandane surprise de cét empressement d’Artamene, pensa s’obstiner à refuser de le voir : mais craignant qu’en effet il n’y eust quelque chose d’important à sçavoir pour le service du Roy, elle commanda qu’on le fist entrer : & ordonna à Martesie de demeurer dans son Cabinet, avec une autre de ses Filles. Mon Maistre estant donc entré, & ne pouvant obtenir de sa passion, d’aprendre de sa bouche celle de Philidaspe à la Princesse ; Madame (luy dit-il, apres j’avoir salüée avec beaucoup de respect, & en luy presentant ce que Philidaspe avoit escrit) vous trouverez dans ces Tablettes, la justification de mon importunité. Artamene prononça ces paroles, avec un esprit si troublé ; que Mandane craignit encore, que ce ne fust une nouvelle invention de luy parler de son amour : mais enfin apres