Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/141

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Cyrus ou d’estre Artamene ; de ne passer que pour un simple Chevalier ou pour un grand Prince ; puis qu’il est vray qu’il n’a point de plus violente ambition, que celle d’estre aimé de vous.

Mandane escouta ce discours, avec beacoup d’attention & beaucoup d’estonnement : d’abord elle ne sçavoit si elle devoit croire mon Maistre : mais ce doute se dissipa en un instant : & elle connoissoit si bien sa haute generosité, qu’elle creut presque sans peine ce qu’il luy dit : & ne douta plus qu’il ne fust effectivement Cyrus. Elle considera mesme, qu’il n’estoit pas plus difficile que l’on eust creû à faux que Cyrus s’estoit noyé, que de croire qu’Artamene avoit esté tué, comme toute la Capadoce l’avoit creû quelques jours auparavant ; & qu’il n’y avoit pas aussi plus d’impossibilité qu’Artamene fust Cyrus, que Philidaspe fust le Prince d’Assirie. Faisant donc tous ces raisonnemens en secret elle fut quelque temps à regarder mon Maistre sans luy respondre : ce qui luy donna tant d’inquietude, que ne pouvant la cacher. je voy bien Madame, luy dit il, que vous ne pouvez me tenir la parole que vous m’avez donnée, de ne changer point de sentimens pour Artamene : & je m’aperçoy par vostre silence, que Cyrus l’a destruit aupres de vous. Cyrus, repliqua la Princesse, à sans doute un peu troublé le calme de mon esprit : je vous assure toutefois, qu’il n’a rendu aucun mauvais office à Artamene. Au contraire, poursuivit elle en soupirant, comme je trouve Artamene plus malheureux que je ne pensois, je me trouve aussi avec plus de disposition à le pleindre. Mais de grace, poursuivit elle, apprenez moy tout ce qui vous est advenu : & ne cachez plus rien des commencemens d’une