Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/155

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de vous y rendre office : cette Personne, poursuivit mon Maistre, fait profession d’une vertu si austere ; & il paroist tant de Majesté & tant de modestie sur son visage ; que quand je serois le plus puissant Roy du monde ; que je ferois sur le Throsne, & qu’elle seroit dans les fers ; je pense, dis-je, que je ne luy pourrois parler d’amour qu’en tremblant, fust pour moy, ou pour autruy. Ainsi Seigneur, en l’estat où la Fortune vous a mis, je ne voy pas que ce fust une proposition que je peusse, ny que je deusse luy Faire, le sçay bien, repliqua le Roy de Pont, que j’ay tort de vous avoir parlé comme j’ay fait : mais genereux Artamene, que puis-je devenir ? mourray-je dans les fers que je porte sans m’en pleindre ? & ne pourray-je du moins obtenir de vous, la permission de voir encore une fois l’illustre Mandane ? Artamene se trouva alors bien embarrassé : car malgré toute la vertu de la Princesse, la jalousie ne laissoit pas de s’emparer de son cœur : il voyoit que le Roy de Pont estoit un Prince fort bien fait, & de beaucoup d’esprit : & il s’imagina d’abord, que cette entreveuê ne se pouvoit faire, sans qu’il en eust du desplaisir. Neantmoins, comme ce premier sentiment, fut bien tost corrigé par un second, qui luy fit voir qu’il n’avoit rien à craindre de ce coste là ; il dit au Roy de Pont, que s’il vouloit obtenir cette faveur, il faloit qu’il l’envoyast demander à Ciaxare, qui peut-estre ne la luy refuseroit pas Mais, luy dit-il, Seigneur, si vous m’en vouliez croire, vous ne le feriez point ; car enfin à quoy vous servira cette veüe ? Vous reverrez la Princesse si belle, que peut-estre en ferez vous plus malheureux. Ha Artamene, s’écria