Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/180

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endurant celle d’Artamene. Mais aujourd’huy que je voy Cyrus & ma gloire en un danger eminent ; il n’y a plus rien qui puisse m’obliger à avoir cette indulgence pour vous. Quand je n’aurois qu’un seul de ces deux interest, adjousta-t’elle, je devrois faire ce que je fais : mais les ayant tous deux à la fois, il faut Artamene, il faut partir. Dites plustost Madame, interrompit mon Maistre, qu’il faut aller à la mort : car enfin, je ne sçaurois plus vivre sans vous voir. Ouy, ouy Madame, poursuivit il, vous avez trouvé un moyen infaillible, de delivrer toute l’Asie de ce Prince malheureux que les Mages assurent qui la doit conquester : & vous ne pouviez jamais trouver une voye plus certaine, de mettre Astiage en repos. Mais Madame, ne serez vous pas plus inhumaine qu’il ne fut cruel, de me faire mourir de cette sorte ? Il voulut m’oster la vie, il est vray : mais ce fut en un âge où je n’en connoissois pas la douceur. De plus, je ne l’avois ny servy ny aimé : au lieu que vous qui me poussez de vostre propre main dans le Tombeau, apres m’avoir fait l’honneur de me donner quelque place en vostre ame ; sçavez bien que je vous ay voulu servir ; que je vous ay adorée ; que je vous adore ; & que je vous adoreray jusques à mon dernier soupir. Ne seroit-ce point Madame, qu’en effet les menaces des Mages esbranleroient vostre esprit ? & que vous me regarderiez presentement, comme ce Prince redoutable qui doit desoler toute l’Asie ? Si la chose est ainsi Madame, il faut mourir, j’y consents : & pour executer vos volontez, je n’auray pas beaucoup de peine. Il ne me faudra, insensible Princesse, ny fers ny poisons pour vous obeir : & je n’auray pour finir mes tristes jours, qu’à me resoudre à