Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/189

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plaignez : Quoy, Madame, adjousta-t’il, l’on employera Artamene à vous oster la Couronne de Medie, & il ne s’en plaindra pas ! luy, dis-je, qui voudroit vous pouvoir donner toutes les Couronnes de l’Univers. Je vous ay desja dit, respondit elle, que ma plus grande felicité, n’est pas inseparablement attachée au Throsne : c’est pourquoy ne craignez pas de me desplaire en obeissant au Roy, Mais peut-estre Artamene (luy dit elle, avec un demy souris) ne sommes nous pas de mesme humeur : peut-estre, dis-je, que Mandane ayant moins d’une Couronne, ne paroistra plus à vos yeux, ce qu’elle leur paroissoit auparavant. Ha ! Madame (s’escria mon Maistre en l’interrompant) songez vous bien à ce que vous dites ? & est il possible que la Princesse Mandane puisse railler innocemment, sur une matiere si delicate ? Ouy, Madame, poursuivit-il, vous en estes capable : mais il est pourtant certaines choses, que l’on ne peut jamais dire sans injustice, encore qu’on ne les croye pas comme on les dit. Cependant, Madame, apres les cruelles paroles que vous venez de prononcer ; je n’ay plus rien à faire qu’à obeïr au Roy : & à aporter autant de soing à vous oster des Couronnes, que j’en devrois raisonnablement avoir de vous en conquester. Encore une fois, Madame, vous avez eu son de me parler comme vous avez fait ; à moy, dis-je, qui ay arresté tous mes regards sur vostre visage : & qui n’ay jamais regarde vos Couronnes, que comme un ornement beaucoup au dessous de vostre Vertu. Ouy, divine Princesse, adjousta-t’il encore, quand vous seriez aussi loing du Throsne que vous en estes prés, je serois pour vous ce que je suis : il ne m’importe de sçavoir, si vous possederez des Sceptres : il suffit que je sçache que vous