Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/20

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accident. Aribée qui protegeoit Philidaspe, fit toutes choses possibles, pour donner toute la faute à Artamene : mais à vous dire la verité, si Aribée parloit pour Philidaspe, les grands services de mon Maistre, parloient encore plus efficacement pour luy. Jamais rien n’avoit fait plus de bruit dans la Cour, que ce combat y en fit : tout le monde en cherchoit la cause, & personne ne la pouvoit trouver. Ce n’est pas qu’universellement parlant, toute la Cour ne s’imaginast que l’ambition estoit le sujet de cette querelle : mais comme personne ne l’avoit veuë naistre, l’on ne sçavoit point le particulier de la chose, dont il estoit permis de penser ce que l’on vouloit. Le Roy fut extremement fasché de ce malheur : car comme c’estoient deux hommes de grand service, il voyoit qu’il avoit pensé les perdre tous deux : & craignoit mesme encore d’en perdre quelqu’un, parce que leurs blessures estoient assez grandes : principalement celles de Philidaspe, qui se trouverent beaucoup plus dangereuses que celles d’Artamene. Mais bien que le Roy s’interessast pour tous les deux ; il y avoit neantmoins une notable difference dans son esprit : & quand il venoit à penser, qu’il devoit la vie à Artamene ; & qu’en suite c’estoit par sa valeur qu’il avoit remporté tant d’illustres Victoires ; il n’estoit pas possible, que malgré tout ce qu’Aribée luy pouvoit dire, il ne preferast Artamene à Philidaspe. Il parut donc extrémement fasché de la chose, mais il ne creût pas la devoir punir : tant parce que c’estoient deux personnes qu’il aimoit, & ausquelles il avoit de l’obligation ; que parce qu’enfin Artamene & Philidaspe n’estoient point nais ses Sujets : & par consequent devoient estre traitez d’une maniere moins rigoureuse.