Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/210

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car elle se nommoit ainsi, depuis qu’elle estoit parmy les Massagettes) qu’elle l’advertit fidelement, de tout ce qui vint à sa connoissance. Comme elle avoit esté fort bien eslevée, & qu’elle sçavoit cent choses que l’on ignoroit en ce païs la, il luy avoit esté aisé de se rendre recommandable : principalement ayant espousé un homme de fort bonne condition : & fort estime parmy ces Peuples. De sorte que par ses bonnes qualitez, elle avoit esté choisie pour estre aupres de la Reine des sa premiere jeunesse : & y estoit encore, quand nous arrivasmes dans la Cour de Thomiris. Gelonide à sans doute de l’esprit. & mesme de la vertu : & c’est pourquoy elle fut contrainte de dire une partie des choses que vous sçaurez à Chrisante : afin qu’il taschast de remedier à un mal, qu’elle ne pouvoit empescher sans son assistance. Nous avions donc sçeu Seigneur, que Thomiris n’eut pas plustost veû Artamene, qu’elle l’estima ; & eut une si forte disposition à l’aimer, que l’on peut presque dire qu’elle l’aima, un moment apres qu’elle eut commencé de l’estimer. Cette Princesse à l’ame Grande, mais naturellement fort passionnée : elle ne veut rien avec mediocrité : ses plus foibles desirs sont des resolutions determinées : & comme elle est persuadée qu’elle ne veut rien que de juste ; elle abandonne sa raison à sa volonté, & fait toutes choses pour la satisfaire. Ainsi il ne faut pas s’estonner, de la violence avec laquelle elle agit, pour faire reüssir tout ce qu’elle souhaite : Neantmoins dans les premiers momens qu’elle s’aperçeut que son cœur commençoit de s’engager ; elle voulut faire quelque resistance : mais ce fut d’une maniere qui augmenta le mal, au lieu de le diminuer. Et comme l’agitation de l’air excite le