Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/217

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douleur qu’il à d’estre contraint de parler pour autruy, lors qu’il voudroit parler pour luy mesme ? Cette Princesse n’estoit pourtant pas long temps dans un mesme sentiment : elle se contredisoit cent fois en un jour : mais de quelque façon qu’elle raisonnast, elle aimoit tousjours Artamene. Elle s’imaginoit que si elle le pouvoit espouser, elle porteroit le Nom des Massagettes aux deux bouts de la Terre : & l’ambition se joignant encore à l’amour, elle n’avoit gueres de repos.

Cependant mon Maistre qui ne sçavoit pas ses veritables sentimens, vivoit comme à l’ordinaire : Mais afin qu’il ne manquast rien à son malheur, il arriva qu’Indathirse & Aripithe, qui avoient tous deux de l’esprit, & qui estoient tous deux amoureux ; prirent garde & à l’assiduité d’Artamene aupres de Thomiris, & à ces souspirs qui luy eschapoient. Ils remarquerent aussi, que la Reine avoit je ne sçay quelle inquietude, qu’elle n’avoit point accoustumé d’avoir : & que toutes les fois qu’Artamene aprochoit d’elle, il paroissoit sur son visage une esmotion de joye, qu’ils ne luy avoient jamais veuë avoir pour personne. Enfin, Seigneur, ces deux Princes qui lors que nous estions arrivez à cette Cour, avoient quelque jalousie l’un de l’autre, quoy que la Reine les traitast avec une esgalle indifference ; cesserent tout d’un coup de se regarder avec des sentimens jaloux : & cesserent presques d’estre ennemis, afin de tourner toute leur jalousie & toute leur haine contre mon Maistre. Ils en firent mesme entre eux, une espece de confidence : & Artamene sans y penser, fit voir en ces deux Princes durant quelque temps, ce qui n’a peut-estre jamais esté veû : je veux dire deux Rivaux en bonne intelligence. Ils voyoient qu’il ne paroissoit