Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/221

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inutilement. Chrisante fort surpris du discours de Gelonide, ne laissa pas de l’assurer aussi tost qu’il fut un peu remis de son estonnement, qu’elle n’avoit rien à craindre : & qu’Artamene n’estoit sans doute pas capable de faire une pareille chose. Mais comme il ne vouloit pas luy respondre plus precisément, sans que son Maistre le sçeust ; il luy demanda du temps : & fut le chercher dans sa Tente, où m’ayant trouvé seul aupres de luy. Seigneur, luy dit il, je ne pense pas qu’il vous fust aisé de prevoir, quelle espece de malheur j’ay à vous annoncer : & à quelle espreuve vostre constrance va estre exposée. La Fortune, luy dit il, Chrisante, n’est pas absolument rigoureuse, lors qu’elle n’envoye que des maux que l’on a preveus : & quand sa malice est extréme, elle accable & surprend tout d’un coup ceux qu’elle veut perdre. Je m’imagine toutesfois, poursuivit il, qu’il n’est pas aisé qu’il m’arrive rien de bien fascheux en cette Cour : si ce n’est que par malheur Thomiris eust une aversion secrette pour moy, qui fust cause qu’elle ne respondist pas favorablement à Ciaxare : & qu’ainsi je fusse contraint de m’en retourner sans rien faire. Seigneur, luy repliqua Chrisante, cette derniere chose pourroit bien arriver : mais ce sera par une raison toute opposée à celle que vous dittes. Je ne vous comprens pas, luy respondit Artamene : vous me comprendrez peut-estre mieux, luy dit Chrisante, quand je vous auray apris que j’ay sçeu par Gelonide que Thomiris vous aime : & vous aime jusques au point d’offrir à Artamene, ce qu’elle refuse à Ciaxare. Mon Maistre fit un grand cry au discours de Chrisante, & fut quelque temps sans le vouloir