Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/237

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long-temps sur l’agitation qu’ils avoient remarquée, sur le visage de la Reine ; sur le chagrin qui avoit paru dans les yeux de leur pretendu Rival, lors qu’ils estoient arrivez aupres de Thomiris : & sur tout ce qu’il leur avoit dit, pendant qu’ils s’estoient entretenus ensemble. Mais apres avoir bien raisonné sur toutes ces diverses choses, ils conclurent qu’il aimoit Thomiris, & que Thomiris ne le haissoit pas : & penserent & dirent en suite, tout ce qu’une violente jalousie peut faire dire & penser. Mon Maistre de son costé n’avoit pas l’esprit fort tranquile : & la Reine estoit encore la plus affligée. Quelque forte que fust sa passion, elle ne laissoit pas d’avoir de la douleur, de voir qu’elle estoit contrainte de renoncer en quelque façon, à la modestie de son Sexe : Mais ce qui la faschoit le plus, estoit de voir qu’elle faisoit peut-estre une faute inutilement. Elle avoit pourtant beaucoup de peine à s’imaginer, que sa beauté & sa condition ne pussent pas toucher le cœur d’Artamene : & ce leger espoir la força de commander absolument à Gelonide de parler elle mesme à mon Maistre : & de sçavoir precisément ce qu’il pensoit. Gelonide s’opposa encore comme elle avoit desja fait, à un dessein si peu raisonnable : & Thomiris sans se laisser vaincre, voulut estre obeie ponctuellement. Gelonide ne pouvant donc faire autre chose, parla enfin elle mesme à Artamene, apres luy avoir fait preparer l’esprit par Chrisante, sur ce qu’elle avoit à luy proposer : mais à vous dire la verité, ce fut plustost pour luy aider à chercher un pretexte de refuser la Reine, que pour le persuader. Car comme cette Dame estoit affectionnée aux interests de Ciaxare ; & que de plus elle croyoit que la Reine faisoit un