Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/241

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Ce fut de cette sorte que finit la conversation de Thomiris & de Gelonide : Mais afin que Terez ne s’aperçeust pas de ce qu’elle avoit dans l’ame ; elle luy ordonna de dire à mon Maistre, qu’il se donnast un peu de patience, & qu’elle luy respondroit dans peu de jours. Artamene estoit donc fort embarrassé : car Gelonide luy faisoit sçavoir par Chrisante que la passion de la Reine devenoit tousjours plus forte : Terez au contraire luy parloit comme s’il y eust eu beaucoup d’esperance à sa negociation : enfin il ne sçavoit ny que penser ny que resoudre. Il pressa pourtant encore fortement Terez : & luy dit franchement que si on ne luy donnoit response en peu de temps, il se retireroit quoy qu’on peust luy faire dire. Cependant ce mauvais succés l’affligeoit beaucoup : non seulement parce qu’il estoit marry d’avoir troublé le repos de Thomiris ; non seulement parce que Ciaxare seroit peut-estre mescontent de luy ; mais encore parce qu’il apprehendoit que Mandane ne s’imaginast, qu’un sentiment d’interest ne l’eust obligé de n’agir pas fortement en cette rencontre : pour ne s’oster pas une Couronne, en l’ostant à cette Princesse. Il falut pourtant se donner un peu de patience, & attendre le succés d’une chose, qui selon toutes les aparences, n’en pouvoit avoir que de fâcheux.

Thomiris apres avoir fait parler si ouvertement à Artamene, fut deux jours sans vouloir estre veüe de personne, faignant de se trouver un peu mal, afin d’en avoir un pretexte ; Artamene durant ce temps là, bien aise de pouvoir entretenir sa melancolie, alloit ordinairement se promener au bord d’une petite riviere, qui comme je vous l’ay dit, passoit le long des Tentes Royales ; & prenoit assez de plaisir d’y