Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/315

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Car enfin, comme je ne sçavois rien de tout ce qui ſe paſſoit icy, je ne comprenois pas bien ce que l’on deſiroit de moy. Neantmoins apres avoir aſſez examiné la choſe, je conclus que je devois m’en venir : de ſorte que je me ſuis embarque dans le premier Vaiſſeau que j’ay pû trouver, & m’en ſuis venu icy. En deſcendant au Port, l’embrazement de cette Ville m’ayant donné de la curioſité, j’ay sçeu tout ce qui s’eſt paſſé à Sinope : & je n’ay plus douté que ce ne ſoit la Princeſſe Mandane qui m’envoye : car il me ſemble meſme que je l’ay entre-veüe dans ce Bateau. De vous dire qui l’enleve, je n’en sçay rien : & tout ce que je sçay, eſt qu’aſſurément elle eſt vivante.

Andramias & Aglatidas apres avoir eſcouté cét homme, ne douterent preſque point non plus que luy, que la Princeſſe ne fuſt en vie : mais pour s’en eſclaircir mieux, Aglatidas dit à ſon Parent, que comme Artamene eſtoit depuis ſi longtemps à la Cour de Capadoce, il jugeoit qu’il eſtoit impoſſible qu’il ne connuſt pas l’écriture de Mandane : qu’ainſi il faloit luy faire voir ce qu’Ortalque avoit aporté : afin de n’aller pas legerement donner une fauſſe joye au Roy. Andramias ayant aprouvé ce qu’Aglatidas luy propoſoit, ils laiſſerent Ortalque dans la Chambre où ils eſtoient, & entrerent dans celle d’Artamene : qui eſtoit alors profondément attaché, à la cruelle penſée de la mort de ſa Princeſſe ; ou du moins à j’aprehenſion qu’il en avoit. Aglatidas s’aprochant de luy, apres l’avoir ſalüe, Seigneur, luy dit il, il y a homme apellé Ortalque qui demande à vous voir : & qui a aporté à Andramias un Billet dont vous connoiſtrez peuteſtre l’eſcriture. Si je connois auſſi bien cette eſcriture que le Nom d’Ortalque (reprit Artamene avec