Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/321

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Car enfin, puis que les Dieux l’ont bien retirée des abiſmes de la mer. s’il faut ainſi dire, peut-eſtre qu’ils me retireront de ma priſon pour la delivrer, & pour la mettre ſur le Throſne. Mais ma Princeſſe, apres tant de malheurs que j’ay ſoufferts, je n’oſe plus faire de vœux pour moy ; je crains que mes intereſts ne ſoient contagieux pour les voſtres : je veux les ſeparer pour l’amour de vous : & ne de mander plus rien aux Dieux, que ce qui vous regarde directement. Ainſi puiſſantes Divinitez, qui gouvernez toute la Terre, faites ſeulement que l’on me delivre, pour delivrer ma Princeſſe ; pour pouvoir punir tous ſes Raviſſeurs ; pour la ramener au Roy ſon Pere ; & pour la laiſſer avec l’eſperance de poſſeder un jour tant de Couronnes que vous m’avez fait deffendre, abatte, ou conquerir pour le Roy des Medes. Enfin Dieux, juſtes Dieux, faites ſeulement ce que je dis : & apres cela ſouffrez que je meure aux pieds de Mandane : & qu’elle n’ait jamais d’autre douleur, que celle de la perte d’Artamene.

C’eſtoit de cette ſorte que s’entretenoit le plus amoureux Prince du monde, à ce qu’il a raconté depuis, pendant qu’Andramias eſtoit chez le Roy avec Ortalque : & que tous les illuſtres Amis d’Artamene eſtoient chez Hidaſpe : où ils reçeurent bientoſt apres un advis par Artucas, qui leur donna beaucoup d’impatience : & qui les fit bientoſt partir pour aller au Chaſteau, comme je l’ay deſja dit. Mais pour comprendre comment Artucas avoit pû eſtre adverty ſi promptement, il faut sçavoir que lors qu’Andramias donna au Roy le Billet d’Artamene, ce Prince eut une joye que l’on ne sçauroit exprimer : de ſorte que quelques uns de ceux qui ſe trouverent alors dans ſa