Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/324

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mais pour moy, je ne penſe pas que pour les remercier de l’equité qu’ils ont eüe, en ſauvant une Princeſſe innocente ; il faille faire grace à un criminel : & à un criminel, qui ne veut ny demander pardon, ny ſe repentir, ny ſeulement advoüer ſa faute, bien qu’elle ſoit toute viſible.

Ha Seigneur (s’écrierent tout d’une voix, tous ces Rois, tous ces Princes, tous ces Homotimes, & tous ces Chevaliers) Artamene eſt malheureux, & ne fut jamais coupable : il n’y a pas un de nous qui ne veüille bien entrer dans ſa priſon, & y demeurer pour Oſtage, juſques à ce qu’il vous ait prouvé ſon innocence par de nouveaux ſervices ; ou pour mieux dire par de nouveaux miracles. Ciaxare tout ſurpris de voir une ſi violente affection, dans l’eſprit de tant d’illuſtres Perſonnes, ne leur reſpondit qu’en biaiſant : mais ce fut neantmoins d’une façon, qui leur laiſſa quelque eſpoir : de ſorte qu’ils redoublerent encore leurs raiſons & leurs prieres. Aglatidas n’eſtoit pas des moins empreſſez : & Megabiſe malgré leurs anciens differens, ſe trouva aveque luy dans la chambre du Roy, & demanda ce que ſon ancien Ennemy demandoit, c’eſt à dire la liberté d’Artamene. Le Roy de Phrigie preſſoit extrémement Ciaxare : Celuy d’Hircanie parloit avec une hardieſſe eſtrange : Thimocrate & Philocles employoient tout ce que l’eloquence Grece a de puiſſant : Thraſibule n’en failoit pas moins : Hidaſpe & Aduſius comme plus intereſſez, parloient avec une chaleur extréme : auſſi bien que Perſode, Gobrias, Gadate, & cent autres : qui ne paroiſſoient pas moins attachez aux intereſts d’Artamene. Ciaxare ſe voyant donc ſi fort preſſé, sçachez (dit il aux Rois de Phrigie & d’Hircanie, & à tant d’