Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/337

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à Feraulas, lors qu’ils la virent le matin : & comme elle eſtoit fort adroite, elle avoit fait entendre à Artucas. qu’elle avoit quelque choſe à dire à Chriſante, qui regardoit la liberté de la Princeſſe, qu’elle avoit ordre de ne confier qu’à luy & à Feraulas : de ſorte que ſans choquer la bienſeance, elle les reçeut en particulier dans ſa chambre : ſans autres teſmoins qu’une Fille qu’on luy avoit donnée pour la ſervir : mais qui eſtoit ſi eſloignée du lieu où elle fit aſſoir Feraulas & Chriſante, qu’elle ne pût rien entendre de leur converſation. Comme ils furent donc arrivez ; que les premiers complimens furent faits ; & qu’ils eurent pris leurs places ; helas, leur dit elle, que je voy de changement depuis le jour que vous partiſtes. de Themiſcire, pour aller aux Maſſagettes ! & que je ſuis ignorante de tout ce que vous avez fait depuis ! Si ce n’eſt que j’ay sçeu que l’illuſtre Artamene a gagné des Batailles, & renverſe des Royaumes. Mais Dieux, quand je ſuis venue icy, & que l’on m’a dit qu’il y eſtoit dans les fers, que j’en ay eſté ſurprise & affligée, & que la Princeſſe le feroit, ſi elle sçavoit ce terrible changement ! En verité, diſoit elle, quand je repaſſe dans ma memoire, tout ce qui nous eſt arrivé ; & qu’apres tant d’enlevemens ; tant de perſecutions ; tant de guerres ; tant de naufrages ; & tant de malheurs ; je ſonge que Mandane eſt captive en Armenie, & qu’Artamene eſt priſonnier à Sinope ; j’avoüe que mon eſprit ſe confond. Bien eſt il vray que j’ay apris à ne deſesperer plus de rien : puis qu’apres tout, je ſuis vivante ; je ſuis à Sinope ; & avec des perſonnes que je ne ſuis pas marrie de voir. Vous eſtes bien bonne, aimable Marteſie, interrompit Feraulas,