Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/35

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condition qu’il n’est, il ne seroit pas difficile de s’imaginer, de qui il seroit amoureux. Car Madame, luy dit-elle en sous-riant, Artamene ne voit que vous, ou ne parle que de vous : il vous loue, il vous estime & l’on peut presque dire qu’il vous adore. Il vous suit au Temple ; il vous suit à la promenade & à la Chasse ; il vous accompagne aux Festes publiques, quand le Roy vient chez vous il y vient ; quand il n’y vient point, il ne laisse pas d’y venir ; il rougit toutes les fois qu’il aproche de vous, ou que vous estes seulement eu lieu où il est ; enfin, dit elle en riant, si Artamene estoit Roy, ou que la Princesse Mandane fust Martesie, je croirois qu’il seroit amoureux d’elle. Je pense, dit la Princesse en l’interrompant, qu’Artamene vous a rendu quelque mauvais office ; car si vous m’aviez fortement persuadé ce que vous dites, vous jugez bien qu’il n’en seroit pas plus heureux : & que vous ne pourriez pas avoir trouvé une meilleure voye de vous Vanger de luy. Je serois bien marrie, Madame (repliqua Martesie, en prenant un visage plus serieux) d’avoir causé aucun mal à Artamene : mais comme vos interests me font plus chers que les siens, je crois estre obligée de vous dire encore, que je ne sçay, Madame, si vous ne devriez point durant quelques jours, vous donner la peine d’observer un peu ses actions, pour vous esclaircir de mes doutes. La Princesse rougit à ce discours, plus qu’elle n’avoit encore fait : & baissant la voix, comme si elle eust eu peur d’estre entenduë de Martesie mesme à qui elle parloit ; comme vous estes sage & discrette, luy dit-elle, je vous advoüeray que depuis ce matin, j’ay quelque soubçon de ce que vous dites : Et j’ay une si grande confusion, de ne m’estre pas aperçeuë plustost