Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/366

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quelqu’un au monde qui vous l’ait conſeillé ? Non Madame, reprit Philidaſpe, perſonne ne m’a conſeillé ce que j’ay fait : je n’ay pas meſme voulu conſulter ma propre raiſon : & l’Amour tout ſeul a eſté mon conſeil en cette entrepriſe. Mais Madame, il n’eſt plus temps de parler de repentir à Philidaſpe : & vos beaux yeux tous irritez qu’ils ſont, s’opoſent à toutes vos paroles, & me confirment en tous mes deſſeins. Ha ſi cela eſt, dit la Princeſſe, je vous deffens de me voir, & je ne vous regarderay jamais : allez Philidaſpe, allez, ſortez de cette Tente, & n’y rentrez pas, ſi vous ne voulez adjouſter quelque choſe à voſtre crime. Allez, dis-je, ſous ces Bois conſulter voſtre raiſon, ſi vous en avez encore : appellez à voſtre ſecours. voſtre generoſité : & n’oubliez pas d’écouter la gloire, dont vous aviez paru eſtre ſi amoureux & ſi jaloux. La gloire, Madame, où j’ay pretendu, repliqua ce Prince, & où je pretens encore, eſt celle de vous pouvoir mettre ſur le Throſne d’Aſſirie ; & de vous pouvoir voir un jour commander dans la plus belle Ville du Monde : C’eſt pour cela Madame, que je croiray juſte de mettre toute l’Aſie en armes : auſſi bien la Princeſſe Mandane n’eſt elle pas d’un merite à devoir eſtre conquiſe ſans peine. Peut eſtre que quand vous me verrez à la teſte d’une Armée de deux cens mille hommes, vous changerez de ſentimens : & que vous ne vivrez plus avec moy, comme vous viviez avec Philidaſpe, que vous n’avez creû qu’un ſimple Chevalier : & qui n’a paſſé dans voſtre eſprit, que pour un homme d’une condition bien inferieure à la voſtre. Mais Madame, ſi dans ces occaſions la Fortune me favoriſe, & me fait vaincre tous ces Rois que vous dittes qui prendront voſtre