Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/375

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ma raiſon. Seigneur, luy dit elle (car elle s’eſtoit enfin reſolue par mes conſeils de le traiter de ce qu’il eſtoit) apres vous avoit tant de ſois ſupplié inutilement de me renvoyer à Themiſcire, à Sinope, à Ancire, ou à Amaſie : je me ſuis adviſée de vous demander une autre choſe, que vous ne me devez pas refuſer. Car enfin, bien loing de vous plus demander de ſortir de voſtre Empire, je vous conjure de me conduire à Babilone, aupres de la Reine Nitocris, où je ſeray avec plus de bien-ſeance que je ne ſuis en ce lieu. Si vous m’accordez cette faveur, je vous promets de diminuer quelque choſe, de la juſte haine que vous avez fait naiſtre en mon ame : car enfin je ne puis plus ſouffrir que toute l’Aſie sçache que je ſuis en voſtre puiſſance : & que je n’aye pour teſmoin de ma vertu, que mon plus grand Ennemy. Madame, luy repliqua Philidaſpe un peu ſurpris, ſi vous me voulez faire l’honneur de me promettre d’aller à Babilone, avec l’intention d’en eſtre un jour la Reine ; & de prendre des mains de Nitocris, un Sceptre qu’elle a aſſez glorieuſement porté, je vous y conduiray ſans doute : Mais ſi vous ne voulez aller à Babilone, que pour aller pluſtost à Themiſeire, pardonnez moy Madame, ſi je ſuis contraint de vous deſobeir. Et puis, à ne vous déguiſer pas la verité, les choſes ne ſont pas en terme de cela : je ſuis mal avec la Reine par plus d’une raiſon : mais encore plus pour l’amour de vous que pour toute autre choſe. Ainſi, Madame, en me demandant un Azile pour vous, vous me conduiriez au lieu de mon ſuplice. Ce n’eſt pourtant pas par crainte que je vous refuſe, & l’amour ſeulement eſt ce qui m’y force : Vous m’avez dit une fois, Madame, qu’il n’eſt rien de plus déraiſonnable,