Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/386

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à commander à toute l’Aſſirie : & qu’il n’eſtoit plus que le premier de ſes Sujets. Enfin apres une heure, qui fut employée à recevoir les complimens de tout ce qu’il y avoit de Grand dans Babilone, l’on nous laiſſa en liberté : & nous euſmes du moins la conſolation de sçavoir, que toutes les femmes qui avoient ſervy la Reine Nitocris, furent deſtinées à ſervir la Princeſſe Mandane : & qu’ainſi elle n’auroit aupres d’elle, que des perſonnes vertueuſes. Quelque temps apres que nous fuſmes ſeules, Arianite eſtant allé dans une autre Chambre, la princeſſe me regarda avec une melancolie extraordinaire : Ha ! Marteſie, s’eſcria-t’elle, en quel lieu ſommes nous ? & par quelle voye en ſortirons nous ? N’avez vous point pris garde, me dit elle, à ces prodigieuſes Murailles de Babilone, ſur leſquelles pluſieurs Chariots peuvent aller de front tant elles ſont eſpaisses & fortes ? N’avez vous point veû ces ſuperbes Tours qui l’environnent ? N’avez vous point remarqué combien l’Euphrate qui la diviſe, en rendroit ce me ſemble les aproches difficiles, à ceux qui la voudroient aſſieger ? N’eſtes vous point eſtonnée de ce nombre innombrable de Peuple qui la remplit, de ces Portes d’airain qui la ferment ? Et enfin pouvez vous bien concevoir, qu’il ſoit poſſible d’eſperer, que quand toute l’Aſie s’armeroit pour mon ſecours, l’on peuſt me retirer de Babilone ? Car apres tout, quelque vaillant que ſoit l’illuſtre Artamene, il ne sçauroit vaincre le Roy d’Aſſirie enfermé dans les Murailles de cette ſuperbe Ville. Voila ma chere Fille, me dit elle, tout ce que l’ay penſé durant cette funeſte ceremonie : & voila toute la part que j’ay priſe, à la magnifique Entrée que l’on m’a faite. Madame,