Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/391

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raconté tout ce qui luy eſtoit arrivé à la Cour de Capadoce) non ſeulement Artamene eſt Prince ; non ſeulement Artamene aime Mandane ; mais Mandane aime Artamene. Je vous laiſſe à penſer quel trouble ce ſentiment mit dans l’eſprit de jeune Roy, & quelle inquietude en reſſentit Mazare : il en fut ſi troublé & ſi interdit, que le Roy d’Aſſirie croyant que ce fuſt pour le ſeul intereſt qu’il prenoit au ſien, l’en remercia tendrement. Cependant il trouva moyen pour s’eſclaircir de ſes doutes, de parler en particulier à Arianite : qui malheureuſement, ſans que nous en sçeuſſions rien, avoit entendu une converſation que j’avois eüe avec la Princeſſe le ſoir auparavant : & où nous avions preſque repaſſé toutes les choſes les plus ſecrettes de ſa vie : à la reſerve du Nom de Cyrus, que par hazard nous n’avions point prononcé. Mais quoy qu’elle n’euſt pas tout entendu, elle en avoit pourtant aſſez oüy, pour ne luy laiſſer pas lieu de douter, qu’il y avoit une intelligence entre Artamene & Mandane : de ſorte que quand le Roy d’Aſſirie parla à cette malicieuſe fille, il en aprit plus qu’il n’en vouloit sçavoir. Neantmoins comme elle ne luy diſoit les choſes que fort confuſément, il ſe reſolut de s’en éclaircir mieux : & meſme d’en parler à la Princeſſe. Comme la jalouſie eſt une paſſion encore plus violente que l’amour, parce qu’elle n’eſt jamais ſeule dans un cœur : & qu’ainſi elle porte touſjours je trouble avec elle : le Roy d’Aſſirie me parut tout change, dès qu’il entra dans la chambre de Mandane. Il n’y avoit alors qu’Arianite & moy aupres d’elle : il la ſalüa pourtant avec tout le reſpect qu’il luy devoit : & il voulut meſme commencer la converſation par des choſes indifferentes :