Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/402

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les Dieux que vous le croyez, puis qu’ils ne m’abandonnent pas : & que tant de Rois & tant de Princes comme il y en a dans cette Armée, dont cette grande Plaine eſt couverte, n’ont pas fait de difficulté de prendre mes intereſts : & que deux cens mille hommes enfin ſe trouvent en eſtat d’expoſer leur vie pour l’amour de moy. La Princeſſe voyant ſes eſperances trompées, rejetta les yeux ſur cette Armée comme pour s’en eſclaircir : & en effet quoy que l’on ne peuſt pas bien diſcerner les enſeignes, à cauſe de l’eſloignement, neantmoins il luy ſembla qu’il n’y en avoit point de Medie. C’eſt pour quoy detournant la teſte avec precipitation, comme ne pouvant plus ſouffrir un ſi eſpouventable objet ; Ha ! Seigneur, s’eſcria t’elle, que me faites vous voir, & quelle eſpece de ſupplice avez vous inventé pour me tourmenter ? Voulez vous que je ſente toute ſeule & tout à la ſois toutes les bleſſures que feront vos Soldats à ceux de mon Party ? Voulez vous dis-je, que je ſente les malheurs qui me doivent arriver, auparavant qu’ils ſoient arrivez ? Et que voulez vous enfin de la malheureuſe Mandane ? Je veux, Madame, luy reſpondit il, que vous connoiſſiez parfaitement, que de voſtre ſeule volonté, dépend le deſtin de toute l’Aſie : afin que ce que ma conſideration n’a pû faire, celle de tant de Peuples, de tant de Provinces, & de tant de Royaumes vous y porte. j’ay sçeu, Madame, adjouſta t’il, que le Roy voſtre Pere ſecouru par le Roy de Perte a mis ſes Troupes en campagne, & qu’il eſt ſur les rives du fleuve du Ginde pour venir à nous : & c’eſt. Madame, ce qui m’a fait haſter de me mettre en eſtat de me deffendre : car comme vous pouvez penſer, je n’aurois jamais attaqué le Roy des Medes. Ainſi Madame, j’ay creu que je devois encore