Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/404

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Parlez donc je vous en conjure : ou ſi vous ne voulez point parler, faites du moins que vos yeux me parlent pour vous. Ne me dites pas meſme ſi vous ne voulez, que vous aimerez un jour le Roy d’Aſſirie : & promettez moy ſeulement, que vous n’aimerez plus Artamene. Encore une fois. Madame, faut il combatre, ou faut il poſer les armes ? Mais ſongez bien auparavant que de reſpondre, à ce que vous avez à dire. Les Dieux, Seigneur, reſpondit la Princeſſe, ſont les Maiſtres abſolus de tous les hommes : & Mandane ne doit pas uſurper cette ſupréme authorité ſur eux. C’eſt donc à moy à me reſoudre à ſouffrir les malheurs qu’ils m’envoyent : & non pas à moy à m’oppoſer à leurs volontez. S’ils n’avoient pas reſolu la guerre, ils auroient changé mon cœur ; ils auroient changé celuy du Roy mon Pere, & l’auroient obligé à vous pardonner. Ainſi je ne ſuis point en termes de pouvoir diſposer de mes propres volontez : il ſuffit que je sçache de voſtre bouche, que le Roy des Medes a pris les armes contre vous, pour trouver qu’il ne m’eſt plus permis, ny de vous regarder favorablement, ny de vous dire une parole avantageuſe ; ny de vous donner un rayon d’eſperance. Puis qu’il vous tient pour ſon ennemy, j’ay un nouveau ſujet de vous mal traiter, & je n’en ay plus de vous pardonner, quand meſme j’aurois eu la foibleſſe de le vouloir faire. Ainſi quand Artamene ne ſeroit point vivant, je ne ferois ſans doute que ce que je fay. De plus, quoy que voſtre Armée ſoit grande, je veux eſperer que les Dieux combatant pour le Party le plus juſte, feront ſuccomber les Ennemis du Roy mon Pere, & luy donneront la victoire. Ce n’eſt pas (et ces meſmes Dieux le sçavent) que ſi par la perte de ma vie, je pouvois empeſcher la ſienne