Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/422

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du ſe cours contre luy. Mais nous ne sçavions pas tout l’intereſt qu’il prenoit en la Princeſſe, & combien ſes ſentimens eſtoient meſlez : il ne laiſſoit pas toutefois de tirer beaucoup d’avantage des ſoins qu’il rendoit à Mandane : eſtant certain qu’elle les recevoit avec une bonté, une douceur, & une confiance ſans égale. Enfin, comme vous le sçavez mieux que moy, le Siege fut mis devant Babilone : & de part & d’autre l’on fit tout ce que des Gens de grand cœur peuvent faire, & pour attaquer, & pour ſe deffendre. Ce fut alors ſage Chriſante, que nos craintes furent ſans relaſche : car nous sçavions qu’il n’y avoit preſque point de jour que les Aſſiegeans ne fiſſent quelque attaque, ou que les Aſſiegez ne fiſſent quelque ſortie. Ainſi tous les momens de noſtre vie ſe paſſoient en une continuelle apprehenſion. Nous ne craignions pas ſeulement pour le Roy & pour Artamene, nous craignions meſme pour Mazare : que nous sçeuſmes qui eſtoit tres ſouvent le Chef des ſorties que l’on faiſoit, pour aller deſloger les Aſſiegeans de quelques Poſtes avantageux : & je me ſouviens que la Princeſſe ne put s’empeſcher de s’en pleindre à luy. Genereux Prince (luy dit elle un jour qu’elle sçavoit qu’il avoit combatu) comment vous dois-je nommer, & que ne vous determinez vous abſolument ? Je vous regarde dans Babilone, comme l’unique Protecteur que j’y puis avoir, comme une Perſonne qui m’eſt infiniment chere, & infiniment utile aupres du Roy d’Aſſirie ; & de qui la vertu m’eſt d’une extréme conſolation : cependant je sçay que dés que vous eſtes hors des Murailles de Babilone, vous devenez un de mes plus dangereux Ennemis, puis que vous eſtes un des plus vaillans : & l’illuſtre Mazare que Mandane appelle ſon cher Protecteur, ſe met en eſtat de tüer