Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/446

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y en avoit auſſi un de ſa Troupe un peu bleſſé. Comme le Bois eſtoit obſcur, la meſme blancheur de nos habits & de nos chevaux qui nous avoit rendus inviſibles parmy la Plaine, ſervit au Roy d’Aſſirie à nous deſcouvrir & à nous pouvoir rejoindre. Enfin, Chriſante, eſtant donc arrivez dans ce Bois, comme je l’ay dit, le Roy d’Aſſirie nous mena à une petite Habitation, où de pauvres Gens paſſent leur vie à tirer d’une eſpece de terre, qui ſert à faire ce merveilleux Ciment, dont les Murailles de Babilone ſont baſtiez. Et la pointe du jour commençant alors de paroiſtre, l’on nous deſcendit de cheval, & nous paſſasmes toute la journée en cette Cabane, ou la laſſitude nous fit trouver beaucoup plus de repos, que la commodité du lieu ne ſembloit le permettre. Mais Chriſante, pour ne vous tenir pas plus long temps, à vous raconter des choſes de peu de conſideration, nous marchaſmes encore la nuit prochaine avec aſſez de fatigue, juſque à une petite Ville que voſtre Armée n’avoit pas priſé, n’ayant pas encore eſté de ce coſté là. Toutefois comme elle n’eſtoit pas aſſez forte pour la deffendre, ſi vous y fuſſiez venus : le Roy d’Aſſirie y fit ſeulement prendre un Chariot, où la Princeſſe fut miſe, & où Arianite & moy euſmes place : les Princes marchant à cheval pour nous eſcorter.

Mais ſans vous particulariſer le chemin que nous tinmes, nous arrivaſmes en Capadoce, & peu après a Pterie : D’abord la Princeſſe eut quelque joye de s’y revoir : néantmoins peu de temps en ſuite, elle s’y trouva beaucoup plus malheureuſe qu’elle n’avoit creû : & la penſée de ſe voir captive, dans un lieu où elle avoit eſté ſi long temps libre & abſoluë, luy fut un redoublement de douleur eſtrange. De