Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/461

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fois vers le pied de la Tour : & puis tout d’un coup noſtre Galere raſant la Côſte, nous nous eſloignasmes de Sinope. Enfin nous fuſmes ce jour là tout entier, & la nuit ſuivante, dans une agitation continuelle : tantoſt nous allions à droict, tantoſt nous allions à gauche : & quoy que nous allaſſions touſjours, nous n’avancions preſque point. Les Rameurs n’avoient plus de force ; l’on n’oſoit ſe ſervir de la voile à cauſe des tourbillons qui venoient de toutes parts : & nous fuſmes tout ce temps là, avec toutes les apparences d’une mort prochaine. A la premiere pointe du jour, la tempeſte continuant touſjours d’eſtre plus forte, la Princeſſe recommença de prier Mazare de ſe repentir : car tant que la nuit avoit duré, il avoit falu demeurer dans la chambre de Poupe, où ce Prince par reſpect n’avoit pas entré, quoy qu’il sçeuſt bien que Mandane ne dormoit pas. Mais la pointe du jour eſtant venüe, la Princeſſe, comme je l’ay deſja dit, recommença ſes pleintes & ſes prieres : & avec tant de larmes, tant de force, & tant de violence ; que Mazare ſans luy reſpondre, s’en alla lors vers le Pilote : & ſoit par ſes ordres, comme Orſane le croit, ou par la force du vent ; nous viſmes en effet que le Pilote volut tourner la proue de la Galere vers Sinope que nous ne voiyons plus, pour reprendre la route d’où nous venions. Mais ô Dieux, un grand coup de Mer eſtant venu, & un gros d’eau ayant fait pancher la Galere ; par malheur le Timon ſe rompit : & elle toucha en meſme temps contre la pointe d’un Eſcueil : de ſorte qu’elle tourna tout d’un coup & ſe briſa en tournant. Je m’attachay à la Princeſſe : Arianite me prit par la robbe : j’entendis un bruit & un