Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/507

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grande veneration parmy nous. L’enfance de Philoxipe, comme vous pouvez juger, a eſté une des plus aimables choſes du monde : car quoy qu’il ait vint huit ans preſentement, il eſt encore ſi admirablement beau, & de ſi bonne mine, qu’il eſt aiſé de s’imaginer, ce qu’il devoit eſtre Enfant. Mais il n’eſt peut-eſtre pas tant, de penſer qu’il a eſté ſage dés le Berçeau, & sçavant dés qu’il a sçeu parler : ç’a pourtant eſté d’une maniere, qui ne l’a pas empeſché d’avoir dans l’humeur cét agreable enjoüement, que la jeuneſſe ſeule & l’air de la Cour peuvent donner : & qui fait tout le charme de la converſation parmy les Dames. Enfin l’on peut dire, qu’à la reſerve d’un article, Philoxipe ſatisfaisoit admirablement à tous les Preceptes de Venus Uranie. Il reveroit la Deeſſe ; il aimoit ſon Prince ; il obſervoit les Loix ; il aimoit ſa Patrie ; il aimoit ſes Citoyens ; il aimoit ſes Parents ; il aimoit la gloire : & la fut chercher à quinze ans dans la guerre des Mileſiens, où il ſignala ſon courage. Il aimoit les Sciences & les beaux Arts ; il aimoit les plaiſirs innocents ; & la Vertu plus que toutes choſes. Mais pour la beauté, il n’avoit que de l’admiration pour elle en general : & n’avoit jamais ſenty dans ſon cœur, nul attachement particulier, pour nulle belle Perſonne. Je vous laiſſe à juger, Seigneur, combien cette inſensibilité ſembloit eſtrange dans une Cour où elle n’avoit point d’exemple : & en un homme ſi propre à ſe faire aimer. Il eſtoit pourtant ſi aimable, qu’il n’en eſtoit pas moine aimé : & il eſtoit ſi liberal, ſi magnifique, ſi complaiſant, & ſi civil, qu’il eſtoit l’admiration de tout le monde. Auſſi quand l’illuſtre Solon partit d’Athenes, apres y avoir eſtably ſes fameuſes Loix ; & que pour n’y