Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/513

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quoy qu’inſensible, eſtoit pourtant infiniment galant. De ſorte qu’Aretaphile qui s’eſtoit abſolument reſoluë de ne donner jamais ſon cœur, ſi on ne luy donnoit une Couronne ; traitoit quelquefois le Roy avec aſſez de rigueur : & il y avoit certains temps où toute la Cour eſtoit en chagrin : & où Philoxipe n’avoit point d’autre plaiſir que la chaſſe, & ſa belle Maiſon de la Campagne. Il y en avoit d’autres auſſi, où Aretaphile craignant d’eſteindre elle meſme, le feu qu’elle avoit allumé dans le cœur du Roy ; les apelloit par quelque legere complaiſance ; & remettoit la joye dans la Cour par celle du Prince.

Ce fut donc en un de ces temps de plaiſir, que Philoxipe pour favoriſer le Roy obligea la belle Princeſſe de Salamis ſa sœur, & la Princeſſe Agariſte, de faire les honneurs de chez luy : Un jour qu’il convia le Roy & toute la Cour, d’aller de Paphos à Claric, & de paſſer une journée entiere dans ſa belle Solitude : qui en effet meritoit bien de recevoir une illuſtre Compagnie. Jamais Aſſemblée ne fut ſi galante que celle là : toutes les Perſonnes qui la compoſoient, eſtoient jeunes, belles, magnifiques, de grande condition, & de beaucoup d’eſprit : & l’on euſt dit meſme que le hazard avoit voulu favoriſer Philoxipe : & faiſant que tout ce qu’il y avoit de perſonnes de qualité, fâcheuſes & incommodes à la Cour, ſe fuſſent trouvées mal, ou euſſent eu quelque occupation importante ce jour là ; afin de les empeſcher de troubler par leur preſence importune, une Compagnie ſi agreable. De quelque coſté que l’on tournaſt les yeux, l’on ne voyoit que de beaux objets : & quelle que fuſt la perſonne aupres de qui l’on ſe trouvoit, l’on eſtoit touſjours bien partagé ; &