Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/517

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d’en excepter avec adreſſe, la perſonne pour qui ils avoient de l’inclination. Apres que l’on eut bien regardé cette Venus ; Pour moy, dit la Princeſſe Aretaphile, je voudrois bien sçavoir ſi le cœur de Philoxipe pourroit reſister à la beauté d’une perſonne qui reſſembleroit parfaitement cette Peinture : Puis que j’ay pû voir toutes les Dames, qui font icy, reſpondit il, ſans oſer m’attacher à leur ſervice, il eſt à croire que je ſerois auſſi inſensible pour elle, ou pour mieux dire auſſi reſpectueux, que je l’ay eſté pour les autres que j’ay veües, qui ne ſont pas moins belles que cette Venus. Ce n’eſt pas (dit il en ſous-riant, & ſans autre deſſein que de dire une ſimple galanterie pour continuer la converſation) que je ne ſois bien aiſe que cette Peinture ne ſoit qu’un effet de l’imagination du fameux Mandrocle : car je vous advoüe qu’il y a je ne sçay quel air charmant, modeſter, & paſſionné tout enſemble, dans les yeux de cette Deeſſe, qui me plairoit peut-eſtre trop, ſi c’eſtoit une Beauté vivante. Philoxipe n’eut pas ſi toſt achevé de dire cela, avec une grace particuliere : que toute la Compagnie ſe mit à rire, de cette premiere marque de tendreſſe, que l’on n’avoit jamais veüe dans ſon ame. Il n’y avoit là perſonne qui n’euſt avec joye animé cette Figure s’il euſt eſté poſſible : & qui ne l’euſt deſtachée de quelqu’un de ces Tableaux, pour en faire une Beauté effective ; afin de voir ſi Philoxipe euſt eſté ſensible pour elle : & ſi le cœur ſi rebelle à l’Amour, ſe ſeroit rendu à des charmes ſi extraordinaires. Si cela pouvoit eſtre, diſoit la Princeſſe Thimoclée, je voudrois du moins que cette belle Perſonne euſt autant de douceur dans l’ame qu’elle en auroit dans les yeux : afin qu’il ne manquaſt rien au bonheur de Philoxipe. Au