Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/523

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

exiger de luy, il s’avança encore vers elle : Mais s’eſtant levée en diligence, & luy ayant rendu ſon ſalut en rougiſſant, comme ayant quelque confuſion d’eſtre veüe ſeule en ce lieu là ; elle ſe haſta de marcher, pour aller rejoindre un Vieillard, & une femme aſſez avancée en âge, qui n’eſtoient qu’à vingt pas de là. Cependant comme elle craignoit peuteſtre d’eſtre ſuivie, elle tourna deux fois la teſte vers Philoxipe, qui fut touſjours plus eſbloüy de l’eſclat de ſa beauté, & plus confirmé en ſon opinion. Ce Prince ſurpris de cette rencontre, eut une forte curioſité de sçavoir qui eſtoit cette jeune & admirable Perſonne : & de sçavoir auſſi par quelle voye Mandrocle avoit pû faire ſon Portrait : & pourquoy Mandrocle luy avoit touſjours aſſuré, que la Peinture qu’il avoit faite, n’eſtoit qu’un effet de ſon imagination. Cependant il la ſuivit des yeux autant qu’il le pût, & marcha meſme ſur ſes pas. Mais comme il s’eſtoit arreſté d’abord aſſez long temps, ſans sçavoir pourquoy il s’arreſtoit, il la perdit de veüe parmy les Rochers auſſi toſt qu’elle eut joint ceux qu’elle eſtoit allé retrouver, & ne pût plus les deſcouvrir. Philoxipe ne s’y obſtina pourtant pas extrémement, quoy qu’il en euſt une forte envie : & ſe r’aprochant du bord de l’eau, au lieu de continuer de remonter vers la Source, il redeſcendit ; & ſoit par hazard ou par deſſein (car luy meſme dit qu’il n’en sçait rien) il fut s’aſſoir ſur cette meſme roche couverte de mouſſe, où il avoit veû cette belle Perſonne : qui l’ayant choiſie comme un bel endroit, faiſoit qu’elle eſtoit fort remarquable. Philoxipe eſtant en ce lieu là, ne pût jamais penſer à autre choſe, qu’à cette belle Inconnüe, & qu’à l’agreable avanture qui luy venoit