Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/527

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qui viennent trafiquer à l’Iſle, & qui abordent de ce coſté là. Ce Temple n’eſtant pas à plus de ſix ſtades de cette petite Habitation ſauvage, ce n’eſtoit qu’une promenade d’y aller à pied : Philoxipe ravy de cette rencontre, fut vers cette petite Troupe : & adreſſant la parole au Vieillard, apres avoir ſalüé & et regardé la belle Inconuë, avec plus d’admiration que la premiere fois qu’il l’avoit trouvée ; Mon Pere, luy dit il, sçavez vous qui habite cette petite Maiſon que je voy parmy ces rochers ? Seigneur, luy reſpondit cet homme, ce ſont des perſonnes qui ne meritent pas l’honneur que vous leur faites de leur parler : & je ne penſois pas que ma Cabane peuſt donner de la curioſité à un homme de voſtre condition. Pendant que ce Vieillard parloit, Philoxipe avoit les yeux attachez ſur la belle Inconnuë, avec une attention ſi extraordinaire qu’il l’en fit rougir, & qu’il l’obligea à deſtourner ſes regards. Il euſt bien voulu luy adreſſer la parole : Mais il m’a dit depuis qu’il eut peur de deſtruire luy meſme un ſi agreable Enchantement : & de trouver autant de rudeſſe dans ſon eſprit, qu’elle avoit de douceur dans les yeux, Joint qu’il la voyait ſi modeſte, qu’il s’imagina aiſément, qu’en preſence de ſes Parens (car il vit bien qu’elle agiſſoit comme eſtant Fille de celuy à qui il parloit) elle ne luy ſeroit pas un long diſcours. Il demanda encore à ce bon Vieillard, s’il alloit ſouvent à ce Temple ; s’il y avoit long temps qu’il demeuroit là ; s’il eſtoit de Chipre ; ſi c’eſtoit là toute ſa Famille ? & cent autres choſes pour faire durer la converſation. Mais quoy que cét homme luy reſpondist fort exactement, Philoxipe n’en entendit preſque rien : & ils le quiterent, apres qu’il les eut congediez tout interdit ; ſans qu’il sçeuſt autre choſe, ſinon qu’il avoit reveû