Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/529

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que cent degrez au deſſus d’elle, qu’il s’en repent un moment apres : & ſoustient en ſecret dans ſon cœur, qu’elle eſt mille & mille fois plus belle, que tout ce qu’il y a de beau au monde.

A deux jours de là, il s’en retourne à Clarie : & dés le lendemain il s’en va à ce petit Temple dont j’ay parlé, où ceux qui eſtoient de l’Iſle n’alloient preſque jamais, n’eſtant ſimplement baſty que pour les Eſtrangers : & c’eſt la raiſon pourquoy la beauté de la belle Inconnuë n’avoit fait nul bruit, ny dans Aepie qui n’en eſt pas loing ; ny dans Soly qui en eſt aſſez proche ; ny dans Clarie qui en eſt tout contre. Philoxipe donc malgré luy fut à ce petit Temple : où il ne fut pas ſi toſt entré, qu’il aperçeut cette belle Fille, touſjours accompagnée des meſmes Perſonnes : qui prioit la Deeſſe qu’on y adoroit, avec beaucoup de devotion. Enfin, Seigneur, pour ne vous deſguiser pas plus long temps, ce que Philoxipe eut bien de la peine a s’advoüer à luy meſme ; cette derniere veüe acheva de le vaincre. Car comme le Sacrifice fut aſſez long, l’Amour eut autant de loiſir qu’il en faloit, pour l’attacher avec des chaines indiſſolubles. Vous pouvez bien juger, Seigneur, qu’il euſt eſté fort aiſé à Philoxipe de parler à cette Fille au ſortir du Temple s’il l’euſt voulu, & de la ſuivre chez elle : mais quoy que l’Amour fuſt deſja le plus fort dans ſon cœur, il n’en avoit pas encore chaſſé la honte : & Philoxipe m’a fait l’honneur de me dire depuis, qu’il avoit une telle confuſion de ſa foibleſſe ; & de la baſſesse de la condition de cette Inconnüe, qu’il y avoit des momens, où il euſt voulu eſtre mort. Comme cette petite Troupe Champeſtre fut partie, & qu’il fut retourné chez luy avec un chagrin eſtrange : Quoy, dit il en luy meſme, Philoxipe cét inſensible