Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/537

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obligeantes & paſſionnécs, ſi elle euſt voulu les entendre : mais elle y reſpondit touſjours avec tant d’adreſſe & tant de modeſtie, que Philoxipe en fut encore beaucoup plus amoureux, il la quitta donc, & s’éloigna de cette Cabane, avec une douleur inconcevable.

Comme il fut arrivé au meſme lieu d’où il l’avoit aperçeuë la premiere fois, il s’y arreſta : & regardant d’un coſté ſa belle & magnifique Maiſon de Clarie, & de l’autre cette petite Habitation champeſtre ; ha Philoxipe, s’écria t’il, qui croiroit qu’en l’eſtat qu’eſt ton ame, tu puſſes preferer cette malheureuſe Cabane à ce Palais enchanté ? & que ton cœur ſi inſensible à l’amour, & ſi remply du deſir d’une veritable gloire, pûſt s’abaiſſer aux pieds de Policrite ? Mais auſſi, reprenoit il, ſeroit il poſſible, que ſi Philoxipe doit aimer quelque choſe, ce ne doive pas eſtre la plus belle choſe du monde ? & ſi cela eſt, Policrite doit eſtre l’objet de ſes deſirs & de ſon amour. Policrite, dis-je, de qui les regards font ſans artifice ; de qui les paroles font ſinceres ;, de qui toutes les penſées (ont innocentes, qui ne connoiſt pas meſme le crime ; de qui le cœur n’eſt preoccupé d’aucune paſſion ; qui n’aime encore que les Bois, les Prez, les Fleurs, & les Fontaines ; qui ne connoiſt qu’à peine ſa propre beauté ; & qui ſans doute a toutes les inclinations vertueuſes. Mais apres tout (reprenoit il, ayant eſté quelque temps ſans parler) l’amour eſt une foibleſſe, dont je me ſuis ſeulement deffendu juſques icy, parce qu’en effet j’ay crû qu’il eſtoit beau de n’en eſtre pas capable : mais l’amour d’une perſonne de naiſſance ſi inégale, eſt une folie à laquelle je dois reſister opiniaſtrément. Car enfin de quel front oſerois-je paroiſtre à la